Après les évènements du 11 septembre, les musulmans du monde entier réalisèrent qu’ils étaient devenus les vraies victimes des attaques terroristes dans lesquelles plusieurs tours du WTC s’écroulèrent. Si Oussama Ben Laden fut réellement derrière les attentats de Manhattan, il ne fait aucun doute qu’il causa plus de tort à sa propre Oumma qu’à l’Occident. Des milliers de musulmans innocents se retrouvèrent derrière les barreaux dû à une loi antiterroriste dérisoire [1] pendant qu’al-Qaïda déroula le tapis rouge aux armées occidentales, accueillant par là un nouveau type de colonisation au Moyen-Orient. En quelques années, les invasions américaines coûtèrent la vie à des centaines de milliers d’innocents et décimèrent des régions marquées par 6000 ans d’Histoire. Les États-Unis tirèrent, et tirent toujours, d’immenses profits de leurs nouvelles installations pétrolières alors que les musulmans ne virent, et ne voient toujours, que sang et humiliation.
Un autre phénomène, beaucoup moins apparent, qui prit de l’ampleur après le 11 septembre est celui de la répression liée à l’habit islamique par laquelle les musulmans subissent une nouvelle forme de discrimination religieuse largement répandue en Occident.
Bien que les années aient coulé, les musulmans se sentent toujours visés lorsqu’ils affichent leur religiosité. En pratiquant la Sounna [2] dans leur routine du quotidien, ils ne peuvent plus bénéficier du principe de la présomption d’innocence et deviennent « coupables jusqu’à preuve du contraire ». On attend d’eux qu’ils se justifient pour les crimes d’une poignée d’extrémistes qui, il est vrai, partagent la même religion.
Il semble que tout soit devenu permis dans cette guerre incessante contre le terrorisme, peu importe si celle-ci est menée par des troupes américaines, des dictateurs laïcisés du monde arabe ou par le biais d’assauts répétitifs des médias de masse dans leur guerre idéologique contre tout ce qui peut paraître islamique. Le monde abonde de sentiments antimusulmans qui vont jusqu’à justifier les postures islamophobes adoptées par certains gouvernements européens. La guerre internationale contre la « terreur islamique » vise bien plus que des groupuscules terroristes et fait aujourd’hui écho dans les rues des banlieues européennes.
Les États-Unis profitent largement des attentats d’al-Qaïda pour justifier un nouveau type de colonisation occidental au Moyen-Orient dans lequel ils visent bien plus que des groupuscules terroristes.
Depuis l’ère coloniale, la France n’a jamais su gérer sa population musulmane. Quand en 1962 l’Algérie — « colonie chérie » française — fut restituée à ses habitants, beaucoup pensèrent que cela signifia la fin de la colonisation française. Or ce ne fut pas le cas. La colonisation physique et territoriale subit une mutation structurelle et devint idéologique, politique et culturelle. Bien que les néocolonisateurs bénéficient encore de nouvelles conquêtes de ressources naturelles, ils s’efforcent aujourd'hui d’occuper les cœurs et les esprits des enfants de l’immigration. Fidèle à sa « mission civilisatrice », la France s’obstine à imposer les normes occidentales à ses minorités africaines, arabes et musulmanes, espérant ainsi pouvoir remodeler leur culture et leur religion pour les rendre aussi françaises que possible. Le sentiment de supériorité qu’éprouva l’ancien colon envers l’Arabe et le Noir n’a jamais disparu et s’est perpétué jusqu’à nos jours dans les lois islamophobes qui ont fait du musulman un citoyen de seconde zone.
Les politiques français ne cessent d’insister sur le fait que les musulmans doivent s’intégrer dans leur pays. Cependant, le terme d’intégration n’a jamais clairement été défini et est compris de différentes façons. Si l’intégration signifiait que les personnes d’autres cultures doivent respecter les lois françaises, cela insinuerait qu’obéir aux lois étatiques est étranger et inconnu aux cultures non européennes. Par conséquent, la demande d’intégration pourrait être perçue comme un fantasme raciste, le non-respect des lois étant associé à un peuple étranger [3].
Non, ce qui est plutôt voulu par le terme d’intégration est l’adoption de valeurs occidentales. En 2003, un projet de loi exigea des immigrés postulant pour la résidence en France de signer un contrat d’intégration dans lequel ils furent exhortés à « respecter les valeurs républicaines ». En appelant ses citoyens d’origine étrangère à se soumettre à des lois non écrites, la France souhaite les contraindre à une acculturation. Cette politique dénigrante [4] a aujourd’hui poussé la jeunesse musulmane des banlieues françaises à adopter des comportements très différents vis-à-vis de leur société. Certains se fondent entièrement dans les coutumes françaises alors que d’autres reviennent à leurs racines islamiques dans lesquelles ils trouvent une forte identité et une nouvelle gloire. Cette façon divergente de réagir par rapport à une discrimination sociétale n’est pas nouvelle et eut déjà lieu durant l’Histoire de l’esclavage américain où une mentalité de soumission s’opposa à une façon de penser révolutionnaire.
Extrait de “Malcolm X, Discours aux Cités de la République”, à télécharger ici
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[1] Il faut tenir compte que cette recherche fut initialement écrite en 2008 (en langue anglaise).
[2] La tradition prophétique comprend les actes, les mots, les consentements implicites et les caractéristiques du Prophète Mohammed (sallallahu a'leyhi wa sallam)
[3] Si l’intégration signifie le respect des lois, le gouvernement français devrait aussi exiger des Français de souche de s’intégrer, car eux aussi sont supposés obéir à la loi.
[4] Pour comprendre cet aspect dénigrant, il suffit de s’imaginer que l’on exige des expatriés français vivant dans le monde arabe d’adopter les valeurs islamiques (qui ne sont pas des lois) dans la vie quotidienne.