7. L’Oncle Tantawi et la Fatwa du Nègre de Maison
 

En 1712, le maitre d’esclaves britannique Willie Lynch développa une méthode dans laquelle il brisa les femmes esclaves afin d’assurer le contrôle des futures générations d’esclaves. Contrôler les femmes noires signifia contrôler l’ensemble des esclaves, car la femme est le maillon le plus important dans toute communauté [1]. De façon similaire, Nicolas Sarkozy, en 2004, conçut une loi interdisant le voile dans ce qui fut considéré comme une tentative de briser la femme musulmane de France.


Bien qu’ils fussent injustement opprimés par la nouvelle loi, les musulmans français ne réagirent presque pas, car les institutions religieuses domestiquées avaient agi comme des tranquillisants sur la communauté musulmane. Dalil Boubakeur appela les musulmans à se montrer solidaires avec le peuple français en respectant la nouvelle loi sur la laïcité. En taxant la manifestation prohijab comme dangereuse, Dalil disait tout haut ce que Sarkozy lui insufflait à l’oreille. Durant les années soixante, des prêcheurs noirs chrétiens et des militants de droits civiques furent critiqués par Malcolm X à cause de leur approche négligente et laxiste vis-à-vis de l’oppression des blancs :


« C’est comme quand vous allez chez le dentiste qui veut arracher votre dent. Il sait que vous allez vous battre avec lui quand il commencera à l’arracher. C’est pourquoi il va vous injecter quelque chose dans la mâchoire qui s’appelle de la novocaïne, pour vous faire croire qu'il ne vous fait rien. Vous êtes donc assis là et parce que vous avez toute cette novocaïne dans la mâchoire, vous souffrez pacifiquement. Le sang coule le long de votre mâchoire et vous ne savez pas ce qui se passe ; car on vous a appris à souffrir paisiblement. L’homme blanc vous fait la même chose dans la rue, lorsqu’il veut vous attacher des fils à la tête et qu’il veut vous abuser sans avoir à craindre vos coups en retour. Pour vous empêcher de vous défendre, il ramène ces vieux Oncles Tom religieux pour vous apprendre, tout comme le fait la novocaïne, à souffrir paisiblement. Vous ne cessez pas de souffrir, vous souffrez seulement paisiblement. Comme l’avait fait remarquer le Révérend Cleage : “Laissez vos flots de sang couler dans les rues”. C'est une honte! Et vous savez que c'est un prédicateur chrétien. Si c’est une honte pour lui alors vous savez ce que c’est pour moi. Il n'y a rien dans notre livre, le Coran, qui nous enseigne à souffrir paisiblement. Notre religion nous enseigne à être intelligents… C'est une bonne religion. Et personne ne ressent comme une offense que ce genre de religion soit enseigné, à part un loup qui a l'intention de faire de vous son repas… » [2]


                 

En 1712, le maitre d’esclaves britannique Willie Lynch développa une méthode pour assurer le contrôle des futures générations d’esclaves en brisant les femmes esclaves.



La loi du 15 mars 2004 interdisant tout signe religieux dans les écoles publiques et les institutions gouvernementales était une façon détournée de dire que le voile devait disparaître. Curieusement, les arbres de Noël ostentatoires subsistèrent et personne ne sembla se soucier des kippas.


La loi visait uniquement les musulmans et plus particulièrement les plus vulnérables parmi eux : les femmes [3]. En réaffirmant le principe de laïcité, une nouvelle forme d’apartheid religieux est né sans que personne ne s'y oppose.


Dans les années soixante, les lois américaines empêchaient les jeunes filles noires d’aller à l’école à cause du système scolaire ségrégé. En France, l’interdiction du voile exclut aujourd’hui de nombreuses écolières, collégiennes et lycéennes qui désirent assister aux cours dans les écoles publiques. La discrimination est identique ; seules les motivations ont changé.


La musulmane de France n’a aujourd’hui d’autre choix que de souffrir en silence. Jamais auparavant n’avait-elle été autant humiliée. Sarkozy lui a ôté le droit de s’habiller selon ses convictions et de vivre selon ses croyances. On lui refuse l’instruction et l’emploi seulement parce qu’elle souhaite pratiquer sa religion. Les musulmans se demandent souvent : si la France donne le droit à ses citoyennes de marcher en minijupe, pourquoi ne leur donnerait-elle pas le droit de se couvrir la tête ? Et pourquoi les nonnes chrétiennes ne sont-elles jamais inquiétées ou discriminées en portant le voile ? Les touristes français ne rencontrent pourtant jamais de problèmes lorsqu’ils se baignent nus sur les plages de pays musulmans, canette de bière à la main. Pourquoi alors la femme musulmane enfreint-elle la « liberté française » en se couvrant d’un voile ?


Dalil Boubakeur, qui se dit « Français jusqu’au bout des ongles », rejette catégoriquement cette façon de voir les choses et partage une vision entièrement différente : « Je ne suis pas en faveur du multiculturalisme. Plutôt, le fait est qu’il n’y a qu’une culture : la culture française ». Le président du CFCM avait toujours maintenu que le voile était un obstacle à l’intégration. Cependant, lorsqu’il vit que l’UOIF s’était opposé à la loi antihijab, il proposa de remplacer le voile par un bandana, sachant très bien qu’en soutenant le dévoilement des femmes musulmanes, il provoquerait sa propre chute.


 

Nicolas Sarkozy au Caire aux côtés de Sheikh Mohammed Sayed Tantawi chez qui il parvint à extraire une fatwa interdisant le port du hijab aux femmes musulmanes de France.



Si les Nègres domestiqués de Sarkozy n’allaient pas lui fournir la fatwa nécessaire, il irait l’arracher en Égypte à l’université d’al-Azhar où il rencontra Oncle Tantawi. De manière très rusée, Sarkozy parvint à extraire une « fatwa express » du Grand Imam d’al-Azhar, le Sheikh Mohammed Sayed Tantawi, qui ordonna aux musulmanes de France d’obéir à leur maître français en retirant leurs voiles. Dans le monde arabe, Tantawi est considéré comme le « truqueur de fatwa » du gouvernement égyptien, émettant des fatwas sur-mesure aux politiques locaux qui, pour l’occasion, prêtèrent le sheikh Azharite au ministre de l’Intérieur français. Deux jours après la prononciation de la fatwa antihijab, le 1er janvier, Dalil Boubakeur envoya une lettre de remerciement [4] à al-Azhar au nom de la communauté musulmane de France. La lettre contenait des éloges pompeux de la fatwa qui « eut un effet de soulagement » et qui « fut bien reçue à l’unanimité des Français musulmans de toutes les classes ». Pour faire court, Boubakeur remercia Tantawi d’avoir fait le sale boulot à sa place.


Les Français aiment se vanter de leurs « grandes libertés », mais semblent peu disposés à les accorder chez eux aux citoyens musulmans. En France, la Déclaration universelle des droits de l’Homme n’est, au bout du compte, pas si universelle qu’on veut nous faire croire. On n’y respecte pas la liberté de culte, et la devise nationale « liberté, égalité, fraternité » ne s’applique qu’aux citoyens non-musulmans. Instaurer et médiatiser un individu comme Dalil Boubakeur pour s’exprimer au nom de 6 millions de musulmans ne fait que certifier que la France n’est toujours pas prête à reconnaitre d’autres cultures et façons de penser issues des minorités religieuses.



Extrait de “Malcolm X, Discours aux Cités de la République”, à télécharger ici



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[1] C’est-à-dire que pour briser, pervertir ou corrompre une société, il faut commencer à briser, pervertir ou corrompre la femme dans cette société.

[2] Malcolm X, « Message to the Grassroots »

[3] Le dernier exemple est celui de Faïza M., une femme marocaine portant le niqab à qui la nationalité française fut refusée en mai 2008 pour motif « d’une assimilation insuffisante » à la France.

[4] La lettre fût rendue publique par al-Azhar le 3 janvier et publiée dans plusieurs journaux égyptiens.

 
 
 

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